Médecine 3.0

Publié le 17 juin 2015 | Par Laurent Mignon

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e-santé ne veut pas dire auto-communicant !

Ce post aurait pu s’intituler : “Du bon usage de la communication en esanté”. De fait qui n’a jamais entendu ces mots : “Je ne comprends pas. Notre site web pour les patients est super top et notre appli mobile pour les médecins géniale. Pourtant le premier n’a que 30 visiteurs uniques par mois et la seconde n’a été téléchargée que 57 fois depuis son lancement…”.

NTIC n’est pas un synonyme de communication

Eh oui, si la esanté commence à trouver sa place dans notre société, il semble que le marketing et la communication soient encore balbutiants en ce domaine.

Quelle est la part du budget d’une application mobile de santé qui est consacrée à la communication ? Quelle somme est investie afin de maintenir l’intérêt d’un site internet, soutenir la diffusion d’un objet connecté de santé ou susciter l’interactivé au sein d’un réseau social fermé ?

Cette question trop peu se la posent. Et pourtant, comment penser qu’un médecin peut dénicher votre super méga top application mobile si vous ne le lui dites pas qu’elle existe, ce qu’elle peut lui apporter, où il peut la trouver et comment l’utiliser sans perdre de temps.

Imaginez-vous que Danone lance un nouveau yaourt en espérant que d’elle-même la grande distribution va la référencer, et que les consommateurs vont venir dans les usines pour l’acheter ? Non, évidemment.

Alors pourquoi pensez-vous que Google va placer votre site en tête des requêtes sur le pipi au lit des enfants alors que vous ne parlez que d’énurésie et qu’iTunes va signaler à chaque connexion d’un médecin que votre tout nouveau tout beau calculateur de scores est fait pour lui ?

Est-ce parce que la e-santé se fonde sur les NTIC que vous avez pu croire que cela faisait d’une application mobile ou d’un objet connecté de santé un dispositif auto-communicant ?

La esanté, la santé mobile et connectée suivront-elles la voie du quantified self et des applications mobiles grand public ?

Petite question : quelle est selon vous la première marque de wearables en terme d’investissement publicitaire sur le marché américain ? Arrêtons tout de suite le suspens, il s’agit de Fitbit qui, selon un rapport de Kantar Media a dépensé plus de 21 millions de $ en achat d’espace l’an dernier. En 2e place figure Garmin et en 3e Samsung avec un investissement de 11 millions de $.

Pour ceux que cela intéresse, Withings, notre champion français, figure à la 13e place avec un investissement publicitaire de… 199 000 $. Eh oui, nous ne parlons plus de millions, mais simplement de centaines de milliers de $ pour adresser le marché américains…

A noter : les 3 premiers investisseurs – Fitbit, Garmin, Samsung – ont dépensé 65 % de leur budget publicitaire à la télévision, 16 % dans les magazines et 11 % en digital.

Autre exemple, le 10 juin dernier, App Annie… Si vous ne connaissez pas App Annie et que vous vous intéressez aux applis mobiles, je ne peux que vous conseiller de consulter régulièrement son blog voire de profiter de ses outils si votre budget vous le permet…

Je disais donc que le 10 juin dernier, App Annie nous apprenait sur son blog que le canal télévisé est celui qui a enregistré la plus forte croissance en terme de vecteur de promotion des applications mobiles. De plus, ce post, au combien intéressant, délivre des données fortes appréciables sur l’impact de la publicité TV Angry Birds sur un marché test tel que la Suisse.

Alors, verrons-nous enfin demain des éditeurs, des développeurs, des entreprises de santé, des startups engager réellement le dialogue avec leurs publics, oser dégager les budgets nécessaires à la promotion de leur solution vers le plus grand nombre et ne plus attendre que le grand public, les patients, les professionnels de santé viennent vers eux ?

Le développement de la esanté, de la santé mobile et connectée est certes affaire de confiance, de qualité des dispositifs, de valeur médicale apportée, mais il est aussi, comme en toute chose, affaire de communication. Il est temps que la esanté se professionnalise, et ce même en matière de communication.

 

PS 1 : Le rapport Kantar Media pré-cité indique que les deux leviers d’actions auprès des consommateurs proactifs en terme de santé sont la télévision et le cabinet du médecin. Donc, si vous êtes directeur du marketing, responsables de la communication ou chargé de projet en esanté ou santé digitale, n’hésitez pas à consulter IDS Santé, cela fait 20 ans qu’ils maitrisent la communication du changement de comportement en santé au sein des cabinets médicaux.

 

PS 2 : pour ceux qui aiment la pub, voici le bonus : le film TV de Fitbit

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A propos de l'auteur

Co-fondateur et directeur de LauMa communication, la e-santé m'interpelle depuis quelques années. J'essaie d'y contribuer en favorisant la diffusion de l'information et en m'impliquant dans des associations telle que Le Lab e-Santé (Isidore Internet et Santé), en tant que membre de la commission service du pôle de compétitivité Cap Digital ou en qualité de Délégué général de France eHealthTech, l'association regroupant les startups de la e-santé.



3 Responses to e-santé ne veut pas dire auto-communicant !

  1. Dufourcq-Lagelouse Rémi says:

    Bonjour,

    Je ne saisis pas bien quel est l’objectif de ce post. Voulez vous dire qu’il faut mieux communiquer, utiliser des media plus main stream pour installer le monde de la santé connectée dans le grand public ?

    Candy Crush n’a pas eu besoin d’un support télévisuel pour inonder les smartphones de la planète. Starbucks ne dépense pas un cent de publicité. Son succès a été lent au début puis s’est amplifié naturellement.

    Communiquer sur le medium télévisuel est un moyen de différentiation par rapport à la concurrence. Seuls les plus argentés y ont accès. La dépense est certaine, le retour sur investissement est bien plus difficile à évaluer. En effet, il existe un seuil d’efficacité qui voit les ventes décoller par rapport au nombre de contacts consommateur (et de l’investissement réalisé pour les obtenir) sans qu’il soit, à ma connaissance, possible de le prévoir à l’avance.

    L’accès au medium télévisuel nécessite une capacité d’investissement importante. Son orientation mass market réduit l’agilité de son émetteur. Il est presque impossible de s’adapter rapidement à un changement du marché. Or, le marché de la santé connectée est encore assez petit et donc a peu d’inertie. Il peut évoluer plus rapidement que ce que l’amortissement d’une campagne télé impose en nombre de diffusions.

    Je ne suis pas capital risqueur, mais j’imagine difficilement une start up faire un tour de table pour lever beaucoup de fonds pour une campagne télévisée dans ses premiers mois de vie. J’accepte par avance le reproche de manque d’ambition :-).

    Le marché de la santé connectée souffre d’une lenteur constitutive. Le développement d’un produit peut être assez rapide, mais l’obtention des certifications qui le feront devenir un dispositif médical certifié est longue. Je parlais d’agilité plus haut. Cet ancrage dans le contexte règlementaire de la santé connectée explique aussi que l’agilité soit difficile quand on développe un produit visant ce marché.

    Dernier aspect de la problématique, le rôle des professionnels de santé.

    Le marché de la santé connectée destine l’usage de ces produits aux clients qui les achètent mais aussi aux professionnels de santé qu’ils consultent. Je suis pharmacien d’officine. J’ai beaucoup de diabétiques dans ma clientèle, et nombreux sont ceux qui possèdent un lecteur de glycémie. J’aimerais pouvoir proposer un service qui prépare la consultation chez le médecin (généraliste ou diabétologue) en récupérant les données mémorisées dans les lecteurs de glycémie et en les reportant dans des graphiques qui facilitent leur interprétation. Malheureusement, chaque fabricant propose un logiciel différent pour extraire ces données. Parfois, il faut même des logiciels différents selon le modèle de lecteur dans la gamme d’un même constructeur. Tout ceci pour dire que, vu de mon comptoir, cette diversité est un frein majeur à mon implication dans ce service. Je n’ai pas assez de temps pour me procurer ces logiciels, les installer et apprendre à les utiliser. Je crains un même embouteillage lorsque mes clients viendront me solliciter pour partager avec moi les données de leur objets connectés. Je crains que mes petits camarades médecins et pharmaciens soient dans un méfiance identique pour la majorité d’entre eux.

    Qui doit être la cible des messages publicitaires ? Les utilisateurs, les professionnels de santé ? Certainement les deux, mais les messages devront être différents. Et puis, si, comme on le lit de plus en plus, la santé connectée devenait un domaine où certains produits pourraient accéder à la prise en charge par l’assurance maladie, ils perdraient automatiquement le droit à l’accès au marché publicitaire grand public. Seuls les prescripteurs deviendraient cibles de communication.

    J’entends bien l’enthousiasme d’un communicant. Je pense que le marché est important, mais qu’il devra être stratifié. Vous aurez donc probablement raison pour une ou plusieurs strates. Il est possible que j’ai raison pour d’autres, le temps le dira.

    Cordialement,

    Rémi Dufourcq-Lagelouse
    Pharmacien

    • Bonjour,

      Tout d’abord je vous remercie de partager votre réflexion. Effectivement, ce post est caricatural, volontairement caricatural car son objectif était de susciter non seulement de l’intérêt mais aussi une réflexion autour des enjeux de la communication en e-santé.

      De fait, loin de moi l’idée de vouloir dire que les médias de masse sont les plus adaptés au développement de la santé mobile et connectée.

      Par contre, il me semble essentiel de penser dès le départ de la conception d’un outil, d’un service, d’un dispositif en e-santé à la façon dont sera réalisée la communication auprès des utilisateurs, des bénéficiaires… et d’en tenir compte dans le modèle économique mis en place. On ne peut pas tout à la fois revendiquer le fait de vouloir aider à la prise en charge de centaines de milliers de personnes, voir de millions et ne faire connaître sa solution qu’auprès d’un petit nombre d’heureux élus.

      De plus penser à ces futurs utilisateurs, permet de les impliquer également dans le projet en lui-même dès la naissance du concept et donc de tenir compte de leurs besoins et de leurs attentes.

      Qui doit être la cible des messages, cela dépend tout à la fois de l’application mobile, de l’objet connecté que de sa classification ou non en produit de santé comme vous le savez.

      D’une façon générale, je pense que nous manquons également d’une véritable communication sur la e-santé et que le développement de la littératie est nécessaire.

      Sur un point spécifique, celui des lecteurs de glycémies mais c’est également valable pour d’autres familles d’objets connectés, savez-vous que certains éditeurs proposent des solutions mobiles permettant aux professionnels de santé “d’agglomérer” les données en provenance de différents patients et donc de différents fabricants afin de gérer celles-ci au sein d’une seule et même interface ?

      Si vous le souhaitez, nous pourrions poursuivre cet échange de vive voix et, pourquoi pas, le re-traduire sous la forme d’un point de vue, d’une interview sur la vision portée par un pharmacien sur ce domaine ?

      Encore merci à vous, bien cordialement,

      Laurent Mignon

  2. Dufourcq-Lagelouse Rémi says:

    Bonjour,

    Je suis tout à fait ouvert à la poursuite de cet échange. Vous constaterez que depuis ce vendredi 19 un peu avant 11h, un petit soldat vous follow sur twitter. Envoyez moi un DM pour échanger nos coordonnées.

    Cordialement,

    Rémi

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