Santé mobile

Publié le 14 mai 2015 | Par Laurent Mignon

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LMCoach, lorsque la santé mobile renforce l’alliance thérapeutique

Sortie en octobre dernier, LMCoach est un service de santé mobile conçu par l’association de patients LMC France et dédié à l’accompagnement des personnes touchées par la leucémie myéloïde chronique. Retour sur la genèse de ce service et la vision de la santé mobile vue par les associations de patients avec Mina Daban, Présidente de LMC France.

Mina, en premier lieu, pouvez-nous nous dire d’où vient l’idée de LMCoach ?

LMCoach est née d’un triple constat. Tout d’abord, notre maladie, la leucémie myéloïde chronique, est une maladie rare (700 nouveaux cas par an). Ensuite, il faut savoir que depuis quelques années, les thérapies ciblées nous ont permis d’avoir la même espérance de vie que les biens portants, mais à la condition d’être strictement observant par rapport au traitement. Des études ont d’ailleurs montré que si on oublie 1 à 3 fois par mois son traitement, l’échappement est extrêmement important et le pronostic vital engagé.

Le troisième constat est essentiel. En tant que malade chronique, nous avons un rapport privilégié avec le médecin qui nous suit, l’hématologue en l’occurrence, mais ce médecin nous ne le voyons qu’une fois tous les 6 mois, tous les 3 mois au mieux.

Sur la base de ce constat, il était évident que nous devions, en tant qu’association, apporter des réponses précises aux besoins des patients.

Très concrètement, alors même que j’étais alitée, il m’est apparu évident qu’à l’heure où nous servons de nos smartphones pour tout et n’importe quoi, la santé mobile pouvait être un allié précieux… et l’idée de LMCoach a commencé à germer.

Mina Daban, Présidente de LMC France

Mina Daban, Présidente de LMC France

De l’idée à la réalisation qu’elles ont été les étapes principales ?

Je n’en retiendrai qu’une seule, car elle est essentielle et devrait guider tous les projets existants en santé mobile : la co-construction.

Je ne voulais pas d’une application mobile de santé où les patients se retrouvent seuls face à leur smartphone. LMCoach devait permettre de renforcer l’alliance thérapeutique entre le patient et l’hématologue, le patient et l’équipe de soins.

J’ai donc monté un conseil scientifique composé d’hématologues, de pharmaciens et d’infirmières, mais également de patients afin de concevoir LMCoach et ses fonctionnalités.

Concrètement, qu’est ce que LMCoach ?

LMCoach est un service d’accompagnement sur smartphone, mais aussi sur dumbphone, les téléphones portables classiques, car nous souhaitions que tous puissent y avoir accès. Il ne s’agit pas d’un simple service de rappel de prise de traitement, mais bel et bien d’un service d’accompagnement.

LMCoach est directement porté par les hématologues, car ce sont eux qui vont proposer ce service au patient et c’est pourquoi, je parle et nous parlons d’un outil en faveur de l’alliance thérapeutique, d’un service destiné à enrichir la relation médecin-patient.

De fait, si l’objectif premier de LMCoach est d’améliorer l’observance, nous savions que cet objectif ne pouvait être atteint en nous arrêtant au traitement ou à la maladie.

LMCoach aborde l’ensemble de la vie de la personne. Les messages de rappels, qui ont été coélaborés par le conseil scientifique – sont systématiquement accompagnés de conseils, d’actualités… portant aussi bien sur le droit des patients que sur la nutrition, l’activité physique adaptée ou le sport… Les messages qui sont délivrés par LMCoach sont donc liés à la configuration du service que le patient et l’hématologue vont décider, ensemble, lors d’une consultation.

L’observance, même si elle est vitale dans notre domaine, ne peut se résumer à la simple prise d’un traitement. Il faut savoir accompagner la personne de façon globale, dans son quotidien.

Aujourd’hui, avec seulement 6 mois de recul, pensez-vous que LMCoach a atteint ses objectifs ?

Il est vrai que 6 mois pour évaluer un tel service c’est court, voire très court. De fait, le protocole d’évaluation que nous avons mis en place n’est pas encore fini. Pourtant, nous pouvons déjà tirer quelques leçons.

Tout d’abord, il faut savoir que plus de 30 hématologues proposent déjà ce service en France – je rappelle que la leucémie myéloïde chronique est une maladie rare – et que plus de 130 patients l’ont adopté.

Sur ces 130 personnes, le taux d’usage est, au bout de 6 mois, de 100 %. Je pense qu’il y a peu de service ou d’application mobile de santé qui ont un taux de 100 % au bout de 6 mois.

L’autre enseignement, c’est le retour des patients, par e-mail, auprès de l’association ou encore sur les réseaux sociaux. Ils sont clairement enthousiastes et reconnaissent la qualité et l’utilité de LMCoach.

Une autre façon de répondre serait de dire que LMCoach a non seulement été reconnue lors du Festival de la Communication Santé de Deauville en novembre dernier, mais a également reçu un Award à l’occasion du CML Horizons, le congrès mondial des associations de patients touchés par la LMC, qui s’est tenu le 3 mai à Barcelone. D’ailleurs, nos homologues canadiens, allemands, italiens nous ont contactés pour développer le même type de service dans leur pays respectif.

Financièrement parlant, comment une association de patients a-t-elle pu développer et peut-elle maintenir un service tel que LMCoach ?

Dans notre cas, nous avons contacté l’ensemble des laboratoires pharmaceutiques, car nous souhaitions construire un “pool” de parrains autour de LMCoach. Toutefois, seul Novartis a répondu présent. C’est donc grâce à leur soutien institutionnel, et je dis bien institutionnel car l’ensemble du projet est resté sous la direction de l’association et du conseil scientifique, que LMCoach a pu voir le jour.

D’une façon plus générale, quel regard portez-vous sur la santé mobile et son apport dans le domaine des maladies rares et des maladies chroniques ?

La santé mobile, qu’il s’agisse d’une plateforme de service par SMS comme LMCoach ou d’une application mobile de santé, doit devenir incontournable dans l’accompagnement des personnes touchées par une maladie rare ou une maladie chronique.

Mais encore faut-il qu’elle respecte quelques règles. Tout d’abord, elle doit être au plus près des patients. J’invite donc les start-ups, et les entreprises de santé, à se rapprocher des associations de patients pour co-construire la santé mobile. Une santé mobile qui répond à de vrais besoins et qui est adaptée aux patients.

Nous voyons encore de nombreuses brochures papier, dans les services hospitaliers ou dans les cabinets de médecine de ville, ne jamais être lues ou utilisées par les patients par défaut d’intérêt, de construction. Il ne faudrait pas que la santé mobile suive ce même chemin. Il n’y aurait rien de pire qu’une application mobile qui ne sert à personne.

L’autre grande règle est de concevoir la santé mobile autour et avec trois principes : des données scientifiques validées, un ancrage dans la vraie vie et un apport à l’éducation thérapeutique du patient.

Contrairement à ceux qui y voient un outil d’isolement, d’éloignement des patients et des professionnels de santé, la santé mobile est réellement une chance de renforcement de l’alliance thérapeutique.

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A propos de l'auteur

Co-fondateur et directeur de LauMa communication, la e-santé m'interpelle depuis quelques années. J'essaie d'y contribuer en favorisant la diffusion de l'information et en m'impliquant dans des associations telle que Le Lab e-Santé (Isidore Internet et Santé), en tant que membre de la commission service du pôle de compétitivité Cap Digital ou en qualité de Délégué général de France eHealthTech, l'association regroupant les startups de la e-santé.



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